English translation by Kreyolbro

Les profondes inégalités sociales ravivent les tensions raciales  Deep social inequalities reviving racial tensions in Haiti.
Port-au-Prince de notre envoyé spécial Le Monde, 3 janvier 2004

Face à la popularité croissante des opposants dans les médias étrangers, les proches du président Jean-Bertrand Aristide ont décidé de lancer une contre-offensive.  Faced with the mounting popularity of its opponents in the foreign press, the Aristide government has decided to launch a counter-offensive.

La ministre de la culture d'Haïti, Lilas Desquiron, cherche ainsi à casser l'image des leaders de l'opposition qui, selon elle, appartiennent à une élite économique et culturelle complètement coupée du peuple haïtien : "Ces gens-là méprisent les petites gens. Lorsque notre gouvernement a fait voter une loi donnant au culte vaudou le statut de religion à part entière, au même titre que les autres, cette petite élite très catholique est devenue enragée. Ils haïssent tout ce qui est populaire et d'origine africaine, ils n'apprécient que ce qui vient d'Occident. Je n'ai rien contre la culture occidentale, c'est aussi la mienne, mais il ne faut pas l'utiliser comme instrument d'exclusion." Haiti's Minister of Culture Lilas Desquiron sees the situation this way; The leaders of the opposition are part of a cultural and economic elite completely disconnected from the Haitian people.  They have nothing but contempt for the average Haitian.  When our government granted to the Vaudou faith the same rights given to other religions, this tiny very Catholic elite became enraged.  They hate our popular culture or anything that reflects the country's African heritage while they idolize everything from the West.  I have nothing against Western culture, it is also mine after all, but we cannot use it to exclude or discriminate against the majority. 

Lilas Desquiron décrit ses adversaires comme des grands patrons à l'ancienne, rigides et arrogants : "En quelque sorte, ils disent au peuple haïtien : "La récréation est finie, nous reprenons les choses en main." Ils ont réussi à entraîner dans leur aventure les étudiants de Port-au-Prince, souvent issus de familles modestes, mais leurs propres enfants ne sont pas ici, ils font leurs études à l'étranger. Ils ont aussi empêché la tenue d'élections législatives, car ils savent qu'ils les perdraient. En revanche, le gouvernement souhaite des élections dès 2004, sous la surveillance d'observateurs internationaux."
Lilas Desquiron describes her adversaries as members of the old social regime, arrogant and rigid in their views.  " Their message to the Haitian masses is "The party is over, we are taking control again".   They have managed to enroll in their crusade the students of Port-au-Prince, most from families of modest means, while their own children are studying safely overseas.  Cognizant of their inability to win, they have also refused to allow legislative elections to take place.  The government on the other hand has been pushing for elections under international scrutiny.

La ministre de la culture affirme que les intellectuels ont lâché M. Aristide, après l'avoir soutenu au départ, quand ils se sont aperçus qu'ils ne pourraient pas le manipuler à leur guise : "Aristide incarne la montée au pouvoir du petit peuple, pour la première fois depuis la guerre d'indépendance. Il veut rendre à la majorité noire sa dignité. En même temps, il ne juge jamais personne sur la couleur de sa peau."
According to the Minister of Culture, many intellectuals, unable to manipulate Mr. Aristide, have distanced themselves from the President whom they had supported at the beginning.  "Aristide symbolizes the first time since Independance that the masses have had a say in who should run the country.  He wants to bring a certain amount of dignity to the black majority. At the same time, he judges no one based solely on skin color."

Les militants des partis hostiles au président haïtien, qui semblent parcourir la ville à la recherche de journalistes étrangers, abordent le même sujet à leur façon. Deux femmes d'âge mûr, se présentant comme des directrices d'école, sont conscientes d'appartenir à l'élite économique et culturelle : "Les gens qui font tourner ce pays, qui créent des emplois et des richesses, sont tous contre Aristide. Il ne tiendra plus très longtemps, on ne peut pas gérer un pays en s'appuyant sur les illettrés, les miséreux et les gangs. Mais nous ne sommes pas isolés. Regardez les manifestations, de plus en plus de gens pauvres et de jeunes des quartiers défavorisés nous rejoignent, et ils se sentent bien avec nous."   The militants hostile to the president have a different take on the socio-racial implications of this crisis.  Two middle aged women, both school directors, admit to belonging to the economic and cultural elite and see it this way; " The people who make this country work, who create jobs and wealth, are all against Aristide. He won't be able to hold on much longer, one can't run a country by relying on the illiterates, the poor, and the gangs.   But we are not isolated.  Look at the people protesting; more and more you see the poor, the youth from the disadvantaged neighborhoods joining us and feeling quite at ease walking with us"

Une jeune mère de famille, qui se décrit comme une ancienne collaboratrice de Jean-Bertrand Aristide passée à "l'opposition radicale", aborde sans détours le problème racial : "Le président exalte sans arrêt les racines africaines du peuple haïtien, qu'il oppose, sans le dire carrément, aux mulâtres descendant des colons français ou d'immigrants européens. En quelques années, il a ravivé un vieux problème qui avait commencé à s'estomper. Moi, j'ai la peau très claire - comme madame Desquiron, d'ailleurs -, et parfois c'est devenu un problème. Quand je circule dans les quartiers pauvres, des passants m'insultent, donnent des coups de poing sur ma voiture. Pour eux, je suis une riche, ils veulent me reprendre tout ce que mes ancêtres ont soi-disant volé aux leurs." A young mother and a self proclaimed ex-partisan of President Aristide now with the radical opposition held back no punches when addressing the racial issue. "The president constantly praises and exalts the African roots of the Haitian people in contrast to the French and European heritage of the mulato minority.  In a few years, he has managed to bring back the color issue which was starting to disappear.  Me; I am very light skinned, just like Ms Desquiron, and that has become a problem.  When I ride through a poor neighborhood, people sometimes insult me or hit my car with their fists.  In their eyes, I am wealthy, and they want to take back from me everything they claim my ancestors stole from theirs."

"Je m'étais installée à l'étranger, poursuit-elle, et je suis revenue au pays parce que je croyais qu'Aristide allait vraiment changer les choses, mais il nous a trahis. Je ne peux plus travailler ici, j'ai reçu des menaces très évidentes. Je pars m'installer au Canada dans trois mois avec ma famille. Sauf si Aristide tombe : dans ce cas, je reste."  " I moved back to Haiti, she continues, because I believed Aristide would bring real changes to the country; but he betrayed all of us.  I can't work here, I have received direct threats. I plan on moving to Canada in three months with my family.  Only if Aristide falls will I stay."
 HPN - Article No. 20040105211556

kreyolbro@aol.com